Une histoire inspirante et une leçon de vie.
Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir Isabelle DARGENT auteur du livre « Ne laissez jamais personne vous dire que vous n’êtes pas capable ou que c’est impossible ! » et de partager avec son histoire.
Au travers de son récit, elle nous décrit son long parcours et pourquoi il est important de ne jamais laisser aux autres le soin de nous dire que c’est impossible.
Je vous laisse découvrir son histoire.
J’avais 24 ans lorsque je me suis retrouvée, du jour au lendemain, tétraplégique : un accident de la route.
Lorsqu’on m’annonce la terrible nouvelle, mon monde s’écroule. Je ne peux plus bouger un seul membre de mon corps à l’exception de ma tête, je ne respire pas seule, je ne mange plus seule, et on m’explique que cela va rester ainsi.
Et c’est là que commence mon combat. Une colère s’empare de moi, l’injustice, la tristesse. Mais je décide rapidement de transformer tous ces sentiments négatifs en rage de vaincre.
Pourquoi me condamner alors que ma moelle épinière n’est pas sectionnée ?
Je rencontre alors deux internes passionnées qui m’expliquent en détail comment le corps humain fonctionne et qui me donnent espoir quant à la suite de ma vie.
J’entre alors, suite logique, en centre de rééducation fonctionnelle pour un an et demi. Une année durant laquelle je vais prendre jusqu’à 22 médicaments par jour.
Au départ, cette prise massive ne m’inquiète.
Au départ, cette prise massive ne m’inquiète pas au-delà puisque, novice dans le milieu du handicap et confiante en mon médecin, j’étais, par-dessus tout, totalement anesthésiée par certains de ces comprimés. Je m’endormais au cours des repas, avais des pertes de mémoire importantes, et me sentais toujours fatiguée, lourde.
Jusqu’au jour où je m’aperçois que mes dents se gâtent anormalement : j’avais jusqu’ici une dentition en très bonne santé et m’étonnais de voir, chaque mois, une carie supplémentaire, les premières de ma vie ! Un ami paraplégique m’interpelle sur un de nos médicaments, prescrit pour un meilleur fonctionnement de la vessie, et essentiellement utilisé contre les fuites urinaires. Ce comprimé, selon lui, serait la cause de notre problème commun : les caries.
J’en parle bien sûr à mon médecin du centre, qui me rit au nez en disant que ce n’est pas possible. (J’apprendrai, bien des années plus tard, qu’il s’agissait bien d’un des effets secondaires possibles.)
Cependant, cela commence à m’intriguer : et si tous les médicaments que je prenais ne m’étaient pas nécessaires ?
Pourquoi me les prescrit-on au fait ?
Mon ami paraplégique avait vite compris que lui, en avait vraiment besoin. Quant à moi, on m’avait donné ces pilules dès le 1er jour sans vérifier :
- Si j’avais bien des fuites urinaires.
- Si mes contractures musculaires (mouvements incontrôlés des muscles) étaient vraiment à éradiquer
- Si je ne pouvais pas m’endormir sans décontractant, etc.
Dès ma sortie du centre de rééducation et mon retour à domicile, je décide de tout arrêter pour voir…
Cela me prend bien sûr quelques mois puisque je stoppe petit à petit mais je finis par en venir à bout. Et là ? … Rien. Aucune fuite urinaire, un sommeil normal, et des contractures toujours présentes mais pas plus importantes ou gênantes qu’auparavant.
Par contre, les effets secondaires disparaissent totalement : plus d’assoupissements ou pertes de mémoire, plus de caries, l’impression soudaine de me « réveiller » et surtout, toujours pas de fuite urinaire !
Cela a pris 3 ans avant que mon corps ne se désintoxique complétement…
Aujourd’hui, je sais que le corps humain est très bien fait et que, en sachant bien l’écouter, on sait ce qui est bon pour nous.
Le retour à domicile ne s’est pas non plus fait sans douleur.
Je me mets activement à la recherche d’un(e) infirmier(e) pour mes soins et ma toilette quotidienne.
Et là, mon cauchemar commence… Aucun cabinet infirmier ne veut de moi : trop de travail, on ne prend pas les tétraplégiques, ce n’est pas rentable etc, une multitude de bonnes raisons pour ne pas s’occuper de moi.
Jusqu’à ce qu’un cabinet de 2 infirmiers décide de « m’accepter » puisqu’ils ne faisaient que les « cas lourds ». Deux longues années de maltraitance durant lesquelles je serre les dents lorsqu’ils me tapent la tête contre le mur alors qu’ils mettent la plus mauvaise volonté du monde à m’enfiler un jean. Le pire étant la maltraitance passive. La toilette intime était si mal faite que je me retrouve avec des infections urinaires à répétition, et si rapprochées que je finis sous perfusion puisque les antibiotiques deviennent insuffisants et mon corps résistant.
L’autre effet, plus durable et douloureux, conséquence de cette mauvaise hygiène, a été la rétraction de certains muscles de mes jambes.
En effet, chez un tétraplégique, à la moindre épine irritative, la moindre douleur ou infection, le corps réagit en augmentant la fréquence et la puissance des contractures musculaires. Il suffit en principe de traiter pour que ces spasmes disparaissent et que tout redevienne normal. Or, dans mon cas, les contractures n’avaient pas le temps de se calmer puisque la série d’infections a duré des mois ; les muscles ont donc fini par refuser de se détendre à nouveau. Je me retrouve littéralement recroquevillée en boule, incapable de tendre une jambe, le bassin de travers et pleine de douleurs.
Il faut savoir que, jusque là, je me verticalisais dans un verticalisateur de manière active. C’est à dire que mes contractures me tenaient debout dans un appareil me maintenant les genoux et le bassin, provoquant la position verticale ; ceci pour améliorer la circulation du sang, veiller au bon fonctionnement des intestins, prévenir les phlébites etc.
Il n’en était donc plus question tant que mes jambes resteraient fléchies, bloquées dans cette position plus qu’inconfortable et douloureuse.
Lasse des souffrances morales et physiques, je réussis à trouver une solution : je renvoie mes infirmiers tortionnaires et les remplacent par des aides à domicile (AMP) qui viennent me faire un toilette minutieuse et attentionnée. Concernant mes soins, je trouve deux infirmières pas trop débordées, présentes 3 fois par semaine mais uniquement pour les soins.
Enfin dans une configuration optimale, je me mets en quête d’un kinésithérapeute compétent pour m’aider à retendre mes jambes et donc retrouver ma santé et mon « autonomie » d’avant cet épisode.
Et là ma surprise est grande car j’ai un mal fou à trouver un cabinet accessible, ne serait-ce qu’en rez-de-chaussée ! Et la deuxième problématique est de trouver un professionnel compétent en terme de tétraplégie.
En effet, certains, par égo, ne disent pas qu’ils ne savent pas ; et c’est une personne dans cet état d’esprit et pleine de bonne volonté qui a d’abord tenté de me « déplier » !
Il a utilisé des sangles, se couchait sur mes jambes pour les étirer de force etc… sans succès bien au contraire.
Consciente que l’on me fait plus de mal que de bien, je décide…
Consciente que l’on me fait plus de mal que de bien, je décide une autre approche dont on m’a parlé : la toxine botulique, plus communément appelée le Botox.
On le connaît notamment pour son efficacité dans le traitement des rides, mais on s’est rendu compte que ce procédé pouvait être utilisé en neurologie pour détendre un muscle de manière locale et précise. Ses injections se font tous les 3 mois puisque cela reste une toxine dont l’abus peut être fatal.
Je prends donc rendez-vous avec le seul spécialiste de ma région pratiquant ces injections de Botox, et le meilleur spécialiste en rééducation fonctionnelle.
Le jour dit, ce fameux médecin s’approche de moi, constate la présence de contractures réflexes et refuse toute injection puisque trop de muscles à traiter selon lui. J’insiste en lui expliquant que je ne veux intervenir que sur mes 2 muscles rétractés et non sur l’ensemble de mes contractures qui, elles par contre, me rendaient de fiers services, notamment la verticalisation et l’aide aux transferts.
Il s’obstine et m’indique sa vision des choses : opérer pour couper le muscle, l’étirer manuellement, immobiliser pendant 3 semaines, additionné de 3 semaines de rééducation intensive dans son service.
Je refuse catégoriquement, lui expliquant qu’on ne va rien couper du tout et que je suis sûre qu’il y a des solutions plus douces qui peuvent être utilisées avant d’en arriver à des méthodes aussi radicales et intrusives ! Notre désaccord ne trouvera jamais de réconciliation…
Il avait beau être médecin, je sentais au fond de moi que sa solution n’était pas la bonne. Soit, il refuse de m’écouter, je vais aller voir quelqu’un d’autre !
Il se trouve que cet autre spécialiste accepte de m’aider et injecte dans mes muscles rebelles de faibles doses de Botox tous les 3 mois, me précisant bien que je dois accompagner cette méthode de séances de kinésithérapie efficaces.
Me revoilà donc à la recherche de la perle rare ! Par chance, on me parle d’un kinésithérapeute qui s’occupe déjà de tétraplégiques et qui fait des « miracles ». Certes un peu sceptique et le cabinet étant loin de chez moi (40km), je me dis qu’après tout, il connaît au moins ma pathologie, et je prends alors contact.
Je me retrouve face à un personnage super optimiste.
Je me retrouve face à un personnage super optimiste qui me dit que tout est possible, que j’ai vraiment bien fait de ne pas me faire opérer et qu’il pourrait même me faire remarcher.
Enfin quelqu’un qui me soutient ! Par contre, le coup de la marche… Parlons d’abord de retendre mes jambes.
Eh bien en un an seulement, cette personne a effectivement fait un miracle : à aucun moment il n’a forcé sur mes jambes, il m’a fait des champs magnétiques, des infrasons, et a juste accompagné le mouvement de mes contractures. Résultat : les muscles rétractés ne le sont plus, mon bassin s’est redressé, je me verticalise à nouveau et je vais même plus loin ; je marche à l’aide d’un déambulateur. Ce ne sont que quelques pas par semaine, ils sont mal assurés et vite fatigués, mais je marche !
Que ce serait-il passé si j’avais écouté les médecins qui me condamnaient ?
Si je m’étais fait opérée ? Si j’avais continué la prise massive de médicaments inutiles ?
Aujourd’hui, je mange seule, je respire seule, je chante même, je fais quelques pas et j’ai une vie sociale très active.
Isabelle DARGENT
isabelledargent.com